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Variation

Nos âmes fatiguées

Il était une fois nos âmes fatiguées.
Par le bruit incessant du chaos de nos esprits en dedans.
Qui souvent, tellement souvent, se cognent contre les parois de nos rêves brisés.
Nos rêves brisés par la violence du monde et des gens.
Les gens qui se cachent trop souvent.
Et j’entends, j’entends, tout ce qu’ils ne disent pas et ça fait du bruit en dedans.
En dedans de moi.
Et ça me fait peur.
J’aime les gens et ils me font peur.
Car ils me violentent souvent, trop souvent, de toutes leur terreur.
De toute leur terreur à eux.
Et même si je sais que cette terreur est à eux, elle me fait peur.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Par le bruit incessant de la violence du monde et de tous ces gens.
Tous ces gens qui ont des âmes brisées mais qui ne le savent pas et préfèrent pleurer des larmes salées.
Et préfèrent crier contre l’autre, quand c’est à l’intérieur qu’ils crient.
Ils crient à l’extérieur pour ne pas crier en dedans.
Ils crient à l’extérieur, ils déversent le trop plein de sanglot, le trop plein de mal, à l’intérieur.
Et leurs cris, même sans bruit, me font peur, ils me violentent.
Je n’ai aucune paroi, aucune frontière, aucune distance avec l’extérieur.
Avec eux.
Avec leurs cris.
Du dehors et du dedans.
Et je pleure.
Des larmes douces.
Sans bruit.
Et mon cœur saigne.
Et mon âme est fatiguée.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Par le trop plein de bruit des autres et des gens et puis de nos tourments.
Les tourments de tous ceux qui pleurent en dedans.
De moi.
Ils sont nombreux tous ces gens qui pleurent en moi.
Mon père et ma mère et tous mes fantômes et mes espoirs brisés de tout cet amour dévasté, balayé, par le bruit.
Le bruit de mes morts.
Les leurs et les miennes.
Le bruit de ce qui me traverse et qui ne m’appartient pas.
Le bruit de tous les non-dits que j’entends qui font du bruit, tellement de bruit, que je ne m’entends plus penser, que je ne m’entends plus rêver, l’autre et moi, en harmonie.
Sans bruit.
Il y a tant de bruit en moi.
Le bruit du chaos, le bruit du monde et des gens, le bruit du multiple, celui de l’intérieur et de l’extérieur, celui du trop plein et du vide aussi, de la mort et de la vie.
Tout ce bruit à l’intérieur de moi.
Une vraie cacophonie.
La cacophonie en moi me fait peur aussi.
Je ne sais plus ce qui est à moi et ce qui est à toi, à l’autre, à eux.
C’est pour ça, aussi, sans doute, que j’ai peur parfois, souvent.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Par le bruit de tous ces non-dits.
Ces incongruences.
Je les entends et je ne m’entends plus.
Je deviens sourde à moi-même et parfois, souvent, la folie me guette.
La folie du doute, je ne sais plus mon nom, qui je suis, où j’habite.
Ce qui est à moi, à toi, aux autres ou à eux.
Je ne sais plus rien et je me noie dans un verre d’eau.
Le diable se cache dans les détails et le détail me fait peur.
Soudain, je ne sais plus rien et je me perds, en moi, dans le chaos de la violence du monde qui est entrée.
En moi.
Dans mon cerveau malmené, par ces années de lutte acharnées pour m’entendre, comprendre, aimer.
Ne plus avoir peur.
De l’autre.
Et mon âme est fatiguée de ce combat.
Ça ne s’arrête pas.
Qu’est-ce qui ne s’arrête pas ?
Le combat ?
Oui, sans doute, le combat.
La vie.
La vie est un combat.
Parfois.
Pour moi.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Par ces moments où je ne sais plus quoi faire pour que le bruit s’arrête en dedans.
Un peu.
Une minute.
Une seconde.
De répit.
Que le bruit en dedans, que le combat pour entendre, aimer, vivre s’arrête un instant.
Juste un instant.
J’ai eu peu de répit dans ma vie.
C’est une drôle d’histoire, cette histoire.
Un peu comme si les cartes qui m’ont été distribuées, au début, tout au début de ma vie, dans le ventre de ma mère où j’ai failli me noyer de toutes ses larmes salées, se répétaient, à l’infini.
Un peu comme si je devais encore et encore, étouffer, succomber à la tentation des larmes salées.
De ma mère.
Des autres.
Des miennes ?
Oui, sans doute aussi des miennes.
De tous ces cris que j’ai en dedans et que je ne sors pas à l’extérieur, mais qui, oui, surement ne demandent que ça.
Et ça me demande une énergie folle que de ne pas les répandre.
Me répandre.
J’ai promis, juré, craché, que je ne serais pas comme ça, pas comme elle, pas comme lui, pas comme d’autres, pas comme eux.
Je ne déverse pas mes torrents de larmes salées, mes sanglots de boue, sur l’autre, les autres, avec ou sans cris.
Je ne le fais pas.
Mais je les ai en moi.
Oui, surement.
J’ai peur de moi aussi surement, parfois.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Par tout ce combat.
Pour ne pas oublier de vivre.
Pour ne pas oublier d’aimer.
Ne pas oublier de vivre.
Ne pas oublier d’aimer.
Je le crains parfois.
Vivre n’est pas, pour moi, une chose facile, une chose aisée.
Aimer est une chose que j’ai apprise à la force du poignet et dans ma vérité, pour ne pas sombrer, pour ne pas devenir folle.
Pour ne pas mourir.
Aimer ou mourir.
J’ai choisi d’aimer.
Il m’est encore, parfois, souvent, difficile de vivre.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Par tant de violence, de bruit et de chaos accumulés, en dedans et dehors, souvent, il fait froid.
J’ai eu si froid dans le ventre de ma mère.
Et, c’est comme si ce froid m’avait rendu perméable à la sensibilité de l’autre et du monde.
Et, l’autre et le monde crient des larmes salées de plus en plus souvent, de plus en plus fort, se répand au dehors, toute la violence du dedans, se répand, sur l’autre et sur moi.
Et je ne sais plus où me réfugier parfois.
Je n’ai pas de refuge.
Je n’ai pas d’endroit refuge.
Ou si, parfois, dans la beauté.
De l’autre.
De l’art.
De la nature.
La légèreté.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Par cet esprit critique et acéré, de compétition en écran et en silence assourdissant.
Le silence assourdissant des écrans et de l’autre, rivé sur son écran.
Le bruit assourdissant de la solitude urbaine.
Des champs de fête comme des champs de ruine.
Le rire de ces gens qui rient parce qu’ils ne savent plus faire silence.
Il s’agit de s’étourdir, de se trahir, de ne jamais s’arrêter de bouger, de faire, de s’activer.
Il s’agit d’oublier.
Qu’on ne sait pas vivre.
Qu’on ne sait pas aimer.
Que si on s’arrêtait, c’est tout le bruit de la souffrance qui nous envahirait.
Je m’arrête souvent.
Je ne sais pas rire de rien, de faire semblant, je ne sais pas faire semblant même si j’adore rire et que, quand je ris, je ris vraiment.
Et je regarde ma souffrance plus souvent qu’à mon tour.
C’est comme ça.
C’est mieux, d’une certaine façon.
Ça me permet de ne pas oublier que je ne m’aime pas.
Que je me déteste sans doute.
Mais que le savoir, c’est déjà, au fond, le début d’autre chose.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Le début d’autre chose c’est quand mon âme se repose parfois, quand j’arrive à respirer, à entendre, le silence de la beauté.
La légèreté.
De la nature.
De l’art.
De l’autre.
J’aime l’autre.
Les gens.
Les rencontrer.
J’aime les rencontres.
Même si j’ai encore peur, parfois, souvent.
Je n’ai jamais peur de me risquer.
Le lien, la rencontre est ce qui fait sens.
Un sens.
Pour moi.
A la vie.
Comme l’art.
La nature.
C’est ce qui m’aide à vivre.
C’est ce qui me fait tenir debout.
Même si c’est dur, parfois.
Même si, parfois, encore, souvent, j’oublie de respirer, devant un non-dit, une prise de pouvoir déplacée, une larme trop salée.
J’aime les gens mais ils me font peur quand ils pleurent à l’intérieur car alors je me noie dans mes larmes en dedans.
Dans le flot de mes tourments.
Dans le torrent de mes errements.
La mer n’est pas calme et je dois, plus souvent qu’à mon tour, faire avec un avis de tempête.
Force 10.
Risque de noyade.
Baignade interdite.
Baignade interdite, c’est bien joli mais c’est de mon cerveau, de mon cœur, de mon âme dont il s’agit, alors je dois bien faire avec, je ne peux pas dire merci, non, je reste sur le bord, bien au chaud sur le rivage.
Sans moi pour cette fois ci.
Une tempête peut être belle vue d’un peu loin, d’assez loin, du rivage.
Sauf que là, et le rivage c’est la tempête et c’est moi, c’est mon âme fatiguée.
Et cette tempête est aussi, parfois, un tsunami qui m’envahit, le corps et l’esprit.
Il s’agit alors de ne pas résister, de se laisser porter.
Je ne gagnerais jamais contre la tempête, le tsunami, je peux juste le laisser passer.
N’empêche, la tentation est grande de résister.
La peur de se noyer.
Du ventre de ma mère.
De l’autre.
Je veux, je dois nager, à contre-courant s’il le faut, même si je risque de couler, même si je risque de sombrer, parce que je n’aurais plus la force de lutter.
De vivre.
Alors c’est ça.
C’est ça.
Je dois résister à la tentation de nager, juste me laisser traverser, pas par les autres mais par moi, par ma tempête intérieure.
Et me laisser porter par le flot de mes larmes.
De ma vie.
Et me laisser porter par le flot de la vie.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Parce qu’elles ont trop souvent nagé à contre-courant.
Parce qu’elles ont été déformées, dès l’enfance, par la souffrance et que pour elles, la vie est un combat, aussi sans doute un danger.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Par ce désir de vivre.
Par ce désir d’aimer.
Malgré tout.
Envers et contre tout, et surtout le bruit de tout ce qui fait qu’on croit vivre mais qu’on oublie.
De vivre.
D’aimer.
Il était une fois nos âmes fatiguées.
Qui ont besoin de se reposer.
Il s’agit alors de trouver des plages de repos de plus en plus grandes.
Des rivages intérieurs.
Des endroits de sécurité.
En nous.
Et aussi dehors.
Il s’agit de redistribuer les cartes, d’arrêter si ce n’est le combat, la répétition incessante de la guerre et du bruit de la souffrance.
Même quand la souffrance nous permet d’apprendre.
Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort est une absurdité.
La souffrance laisse des traces et fragilise.
A un moment.
Même les cœurs les plus purs.
J’en ai mal d’avoir mal et mon âme aussi.
Et je dois arrêter de me faire du mal aussi.
J’apprends à aimer.
J’apprends à vivre.
J’apprends à m’aimer.
Dans le rire d’un enfant.
Dans une rencontre inattendue.
Dans un échange incertain.
Dans une surprise.
Dans un rayon de soleil.
Dans la grâce d’un chat, d’un papillon ou d’une étoile.
Dans la grâce d’un tableau.
Ou dans celle d’un verre de vin.
D’une pièce, d’un film ou d’une image.
Dans la grâce d’une page ou celle d’un paysage.
Dans la joie de l’émotion quelle qu’elle soit.
Dans ces instants suspendus, de grâce, de silence et de joie.
Dans le silence d’un rire aux éclats.
Dans le silence du jeu de l’écriture et de la foi.
Dans l’amour de l’autre.
Dans la création commune.
D’un projet.
D’une relation.
De la vie qui passe par devers soi.
Dans le silence d’une confidence, d’une main amie.
Dans tout ce qui fait que mon âme soudain se repose.
Que mon esprit fait silence.
Et que je vis.
Seulement.
Et que j’aime.
Simplement.

« La seule façon de traiter avec un monde non libre est de devenir si absolument libre que votre existence même est un acte de rébellion. »

Albert Camus