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Variation

Déclaration d’amour à un tueur

J’aime ton âme. J’aime ton âme mais elle est ensevelie sous des montagnes d’immondices. Les immondices entassées par les générations passées qui n’ont jamais fait le ménage.

Les immondices c’est la peur, l’angoisse, le rejet, la guerre. C’est la croyance qu’il y a ceux qui bouffent et ceux qui sont bouffés et à ce compte-là, mieux vaut bouffer qu’être bouffé, évidemment. La meilleure défense c’est l’attaque. C’est quand tu te sers par peur que l’autre dise non ou parce que simplement tu vois ton intérêt personnel et peu importe l’autre. Âpres tout, il y a ceux qui bouffent et ceux qui sont bouffés. Alors tu bouffes. Même si c’est quelqu’un un que tu aimes qui est bouffé.

Les immondice c’est la dévoration. C’est quand tu veux tout de suite. C’est quand tu manipules par peur que l’autre dise non ou parce que tu vois ton intérêt personnel. Et c’est la même histoire. Tu bouffes, tu bouffes. Sans te demander ce qui se passe pour celui qui est bouffé. Même si c’est quelqu’un que tu aimes.

Les immondices, c’est les courants de haine sous prétextes d’amour. Pas une haine frontale non, mais une haine larvée. Il y a ceux qui bouffent et ceux qui sont bouffés. L’autre quel qu’il soit est perçu comme un danger. Même quelqu’un que tu aimes. A ce compte-là, il n’est pas vraiment question d’amour. L’autre est un ennemi. Il n’y a pas d’amour sans confiance. Dans le monde de ceux qui bouffent ou ceux qui sont bouffés, il n’y a pas d’amour. Sans haine. En dessous.

Les immondices, c’est cette haine collante et visqueuse sous prétexte d’amour. C’est quand tu parles mal. C’est quand tu agresses. C’est quand tu veux soumettre l’autre. Même quelqu’un que tu aimes. Mais ce n’est pas de l’amour donc. C’est quand tu ne sais pas aimer. C’est quand tu mens, tu fuis, tu te bats, tu as honte. Tu ne sais pas plus t’aimer et être aimé. Il n’y a pas d’amour. Dans le monde de ceux qui bouffent ou qui sont bouffés. il n’y a pas d’amour. Dans ton monde.

Les immondices, c’est quand tu penses que tu fais comme l’autre veut si tu ne fais pas comme tu veux. Il y a ceux qui bouffent et ceux qui sont bouffés. Pas question d’être bouffé. Alors pas question d’imaginer que faire plaisir est une joie, que certaines choses sont importantes et d’autres pas, que c’est bien aussi de changer ses plans, de se laisser faire, de laisser faire, la vie. Si tu n’es pas prêt pour l’amour, tu n’es pas prêt pour la vie. Il n’y a pas d’amour. Il n’y a pas de vie.

Les immondices c’est la peur de l’autre, le plus souvent fausse, simple projection de ton propre comportement. Tu préfères bouffer. Alors forcément, tu crois sur tout le monde en fait autant. Et que tu risques d’être bouffé. Ainsi soit-il. Il n’y a pas d’amour. Il n’y a que des dangers. Et des gens à bouffer.

Les immondices, c’est quand tu fonctionnes en mode calcul et de chantage, à quoi ça me sert, à quoi ça va me servir, quel est mon intérêt, d’abord, qu’est-ce que ça va m’apporter, me rapporter ?

Les immondices, c’est un rapport marchand a l’autre. C’est un rapport de force à l’autre.

Les immondices, c’est un rapport faux aux femmes. C’est quand tu crois que les femmes dont des mères ou des putes, ou des tentatrices. C’est quand tu penses qu’une femme libre est une briseuse de ménage. Qu’une femme ça se met dans une cuisine ou dans un lit. Et en tout cas ça bouffe ça bouffe alors vite, vite, il faut que tu la bouffes toi. Que tu la soumettes. Que tu la maltraites. Que tu montres qui est le maître. Qui a le pouvoir. Qui décide. Et qui au final n’aime pas. Toi.

Les immondices, c’est de ne pas choisir une femmes, de regretter les autres, d’être tenté par les autres, de les croire te tentant, de te réserver des portes de sortie. C’est l’infidélité chronique. Et la souffrance qui va avec. C’est tout ça et plus encore. Ce sont les généralités, les mots durs, la colère, la mauvaise foi, la certitude d’avoir raison, l’incapacité à faire un pas de côté, de ne pas voir ce qui motive l’autre, surtout si celui-ci, contrairement à toi, n’est pas dans la haine mais dans l’amour, n’est pas dans ce système de ceux qui bouffent ou ceux qui sont bouffés mais dans celui où il y en a pour tout le monde.

Les immondices, c’est de ne même pas voir ceux-là. De ne pas m’avoir vue. C’est de vouloir tout prévoir, tout anticiper, tout contrôler, pour border, mettre des cadres, des règles, des rituels, des balises de sécurités qui masquent la profonde insécurité de celui qui a peur en permanence d’être bouffé.

Les immondices c’est cette peur. C’est cette mort. C’est de ne pas laisser de place à la vie. A la joie. A la confiance. A l’amour.

Les immondices c’est tout ça. Et plus encore. J’aime ton âme. J’aime ton âme mais elle est ensevelie sous tous ces immondices. Et plus encore. Je l’ai vue. Je crois. Je ne sais plus. Quand on danse. Parfois. Quand on partage ma création de temps en temps. Quand la peur ne te rattrape pas. Et je ne parle pas de quand tu te sers de moi. J’aime ton âme. J’aime quand tu dors. Et quand tu te réveilles le matin. J’aime ton sourire. Les immondices, c’est quand tu ne souris pas et que tes bras sont fermés, bien fermés, pour te protéger. C’est quand tu fais semblant de ne pas me voir pour ne pas me sourire. J’aime ton âme. Je l’ai vu quand tu as souri pour me rejoindre. J’aime ton âme mais elle est ensevelie. Je l’ai vue. Je crois. A moins que je n’aie rêvé. Je projette moi aussi qui je suis. En tout cas, tu m’as menti, trahie. Tu m’as maltraitée. Tu m’as bouffée. Et moi, je me suis laissée faire. Par amour. J’ai oublié que ça n’en était pas. De l’amour.

« La seule façon de traiter avec un monde non libre est de devenir si absolument libre que votre existence même est un acte de rébellion. »

Albert Camus