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Nouvelles du monde

Sri Lanka Gare du Nord

Un mercredi 15 aout. Un mercredi comme un dimanche, un mercredi comme un dimanche à la campagne. Nous sommes invitées, Neyla et moi, ma fille et moi, comme c’est étrange et doux, invitées toutes les deux pour la première fois par un ami à déguster ses tomates. De vraies tomates de son jardin, de son potager, il y a même des tomates ananas sucrées et douces, si douces au palais, mais je le saurais plus tard. Pour l’instant, je suis gare du nord parce que la campagne pour les parisiens, c’est loin, il faut prendre le train. Je suis un peu en avance, je rentre juste de vacances, les premières vacances avec Neyla, ma fille, cette montagne de première fois, pour elle et pour moi. Je suis en avance, parce qu’avec un bébé, mieux vaut prendre son temps, sinon, tu risques d’en manquer et je n’aime pas manquer de temps.

Je suis en avance garde du nord et je pense à cet ami, que je connais un peu, pas si bien que ça, mais qui me lis, alors, forcément, ça crée des liens et puis, je connais son énergie et ses tomates, en photo, un homme qui cultive son potager ne peut être qu’un homme qui nous veut du bien. Je me dis ça. Je me dis c’est sympa de nous inviter toutes les deux, à la campagne. Je me dis que la campagne, c’est bien entre des premières vacances à la mer, et un petit séjour à la montagne. Je me dis que j’ai de la chance, oui, vraiment, que je suis bien entourée. Je me demande ce que je ferais l’année prochaine. Je pense à toutes ces vacances prises à l’autre bout du monde, des vacances que je n’ai jamais appelées vacances mais voyages. J’ai beaucoup voyagé, seule, avec mon appareil photo. J’ai toujours aimé prendre des photos de ces visages étrangers, beaux, j’ai toujours aimé les couleurs, les sourires, la diversité de l’humanité. Et puis, je me dis qu’avec ma fille, c’est un autre voyage, un immense voyage intérieur, en route pour le pays du lien, à la source de l’humanité, la mienne. Je me dis que ma fille vient du Maroc, et que cet étranger familier, celui de ma mère et de l’Égypte, fait partie du voyage. Je me dis tout ça, en regardant les horaires de trains.

Je vais à Monsoult-Mafflier. Il y a un train à 11H33 m’a dit mon ami, direction Luzarches ou Persan en Beaumont. Je regarde et je vois le train, le quai n’est pas affiché. J’attends, Neyla tranquillement installée dans sa poussette. Je regarde les gens aller et venir, attendre sous le panneau de signalisation eux aussi, et soudain, je remarque une petite fille dans sa poussette, un peu plus grande que Neyla, elle est brune de peau, elle a de magnifiques cheveux noirs, les yeux noirs et une superbe robe rouge dans un tissus mordoré que je connais bien pour l’avoir vu au gré de mes voyages, en Inde, en Indonésie ou au Sri Lanka. Elle est si jolie. Elle vient d’ailleurs et ça se voit. Je me dis que j’aurais pu adopter une enfant comme ça, aussi. Je me dis que le cœur s’agrandit, il y a de la place pour beaucoup, en fait. Je souris, à moi, à la petite fille et à Neyla. Je souris au monde, à sa mère qui, elle aussi, est magnifiquement parée d’une robe jaune et verte et puis, au reste de sa famille. Qu’ils sont beaux, et bien habillés. Je me demande s’ils sont indiens. J’imagine qu’ils prennent le train, je me demande si c’est le même que le mien. j’imagine qu’ils vont à un mariage. J’imagine que c’est ça, je ne sais pas pourquoi, parce que c’est la simplicité, l’élégance, pour un mariage, une tradition, un mariage traditionnel. J’imagine tout ça. Ils sont rejoints par une autre famille, tout aussi beaux, tout aussi bien habillés, nul doute que c’est un mariage et qu’ils vont au même endroit. Les femmes aux longs cheveux noirs qui tombent sur leurs épaules portent des robes bleue turquoise, brodée pour l’une, violette profonde pour l’autre avec une touche de bleu nuit. C’est beau la couleur. Les hommes sont habillés plus simplement, mais chic, classe, avec leurs visages racés, d’où se dégage une profonde sympathie. Je me dis tiens, ils ont l’air Sri Lankais et non pas indiens comme l’imaginaire en premier laisse penser. J’ai adoré le Sri Lanka, je l’ai vu inondé, le bouddha couché, Candie et ses plantations de thé, cette incroyable cérémonie dans le temple sacré et puis l’océan, la beauté. Je suis vraiment en avance, je me dis tout ça et aussi que je vais prendre un café. Je n’ai pas pris le temps de le prendre près de chez moi, je ne voulais pas être en retard, mais là, du coup j’ai le temps. Je ressors, un café à emporter, chez Paul. Sur le chemin, je croise d’autres familles qui se pressent sur le quai, ils sont en avance, ils ne veulent pas arriver en retard. Je commence à me dire que c’est étonnant pour un mariage, ça fait beaucoup de monde, presque une communauté. Je commande mon café, je retourne sur le quai. Ils sont une centaine, la peau brune, les cheveux coiffés, les robes des femmes et des petites filles aux couleurs chatoyantes et mordorées, les habits des hommes en chemises et pantalons à pinces, chics et bien repassés, je me dis que je me retrouve dans un autre pays gare du nord, qu’il n’y a pas beaucoup à faire pour voyager. Je confirme mon impression qu’ils sont plutôt Sri Lankais, et je suis sur le chemin de ma curiosité. Que font-ils ? Où vont-ils ? Ce ne peut pas être un mariage. Et s’ils allaient au même endroit que moi ? Ça m’amuse de penser ça. J’aimerais bien, je ne sais pas pourquoi. Je regarde Neyla, si jolie, avec sa peau claire et ses yeux bleu, elle est bien habillée elle aussi, de rose et de vert, et de bleu, tout à fait à l’occidental, n’empêche, les petits enfants sont souvent habillés colorés, je me demande pourquoi on perd cela nous, adultes. Je la regarde et je pense qu’elle aussi vient d’ailleurs. Je me demande si je l’emmènerais en voyage, plus tard, et comment. Et puis je lui dis regarde tous ces gens, comme ils sont beaux, la beauté de la diversité, la beauté de l’ailleurs, la beauté de l’humanité. Elle rigole, je crois qu’elle comprend tout. Le quai s’affiche, voie 31. J’y vais, tous ces gens y vont aussi, je ne sais pas s’ils vont au même endroit que nous, mais ils y vont avec nous. Les portes du train sont encore fermées. Nous nous retrouvons avec une jeune fille toutes de rouge vêtue, joliment maquillée, et une autre en vert et orange, sur le quai, les couleurs de l’arc en ciel sont toutes représentées, c’est gai. Il y a deux hommes aussi, beaux, le regard puissant et doux. Neyla est dans sa poussette, elle sourit aux passants, et là, en l’occurrence, à un des deux hommes, qui le lui rend bien, elle rit. De mon côté, je souris à la jeune fille en rouge, je lui demande d’où ils viennent, ce qu’ils font, où ils vont. Et ils viennent bien du Sri Lanka, elle est née là-bas. Et ils vont bien à Monsoult-Mafflier, comme nous, comme moi. Nous sommes le 15 août, l’assomption de Marie, la mère de Jésus ne serait pas morte comme tout un chacun mais directement montée au ciel. La mère de Jésus, vierge Marie. Il y a à Monsoult-Mafflier une église avec la statue d’une vierge polychrome et cette église est un lieu de pèlerinage pour les Sri Lankais. J’avais oublié que les Sri Lankais, certains en tout cas, étaient catholique, j’avais oublié. Je lui dis que je suis allée dans son pays, que c’est un très beau pays, que j’avais adoré. Elle est contente, elle me dit merci, elle traduit à ses amis. L’homme rit avec Neyla. Elle me demande où je suis allée, dans son pays, je le lui dis. Les images de ce voyage me reviennent, les images de mes photos, les images en vraies, les photos de mes voyages sont ma mémoires de l’instantané, elles racontent le moment et immédiatement avec, les sensations. Je me retrouve à la gare de Jaffna. Je m’en souviens comme si j’y étais, plusieurs familles attendaient le train, une en particulier. Il y avait une jeune fille qui ressemblait à celle qui est à coté de moi, maintenant, gare du nord, comme à une sœur. J’ai failli le lui dire, je ne l’ai pas fait. Elle est née au Sri Lanka, un instant mon cœur se serre, je me demande si elle a des papiers, si elle est en paix. Elle regarde ma fille et lui sourit aussi, qu’elle est belle. Oui, Neyla est belle. Je regarde la petite fille en rouge dans sa poussette juste derrière elle, je lui dis qu’elle est belle. Oui, cette petite fille est belle aussi. Je lui demande comment s’appelle ces robes, ce sont des mandijas, je pense au sari indien et au cafkan marocain, les vêtements des pays. Je me dis qu’au gré de mes voyages, ce qui m’a guidé, à part la distance, source de la différence, c’est la couleur, je suis allée chercher l’ailleurs dans la couleur. Je pense à cet homme qui un jour m’a dit chaque fois que je vois tes portraits, tes visages d’enfants photographiés, je pense à l’enfant que tu veux adopter. Et là, il y a eux, et il y a Neyla. Neyla qui sourit aux passants. Je souris. Je vais à Monsoult-Maffliers et je voyage au Sri Lanka. Les portes s’ouvrent. Un homme m’aide avec la poussette, merci. Nous nous installons, le train à un peu de retard, dans le wagon, ça parle, ça rit, dans tous les sens, pour un peu, j’aurais aimé avoir mon appareil photo avec moi et les accompagner dans leur pèlerinage. Je suis sûre que cela va être une fête. Je souris à la jeune fille, comme un au revoir tacite. J’ai de la chance d’être bien accompagnée, de ma fille et d’eux, là dans ce train, gare du nord. Soudain, on annonce un changement de quai, finalement, le départ se fera sur le quai d’en face, le train est plus grand, il y aura plus de place.

Je descends, je pousse la poussette de Neyla, nous montons dans l’autre train, les gens me laisse passer, je ne vois plus la jeune fille en rouge, mais le wagon ici aussi est plein de couleurs. Je sors mon Elle, je lis quand Neyla rêve. Je regarde tous ces gens. Je suis assise à côté d’un homme noir de peau. Je me dis que c’est drôle, que pour ce mercredi comme un dimanche à la campagne, le train qui passe par Saint Denis a changé de couleur, qu’il a l’air un peu impressionné, c’est drôle, c’est gai. Ça papote. Ça rit dans tous les coins. A côté de moi, il y a deux jeunes filles Sri Lankaise habillées à l’européenne, l’une dit à l’autre c’est bien qu’on soit là, je ne savais pas quelle était la direction, l’autre lui répond, il suffisait de suivre tout le monde. Elles sont habillées comme moi, je me demande ce que signifie la perte de la traditions, je me demande ce que veut dire le mot communauté. Je pense à mes voyages. Je pense que la vie est un voyage, il suffit de regarder. Je pense à mon ami qui nous a invitée, ça m’a tellement touchée. Je pense à tout ça, à toutes ces photos que je ne ferais pas et ce n’est pas grave, ma fille est là, j’en ferais une autre fois. Et puis, je me dis juste une, pour immortaliser ce moment de joie. Je dis à Neyla, tu m’attends, je vais faire une photo, à l’homme assis à côté de moi, vous me la gardez 5 minutes. OK. Je vais juste derrière moi. Il y a deux enfants, beaux comme des soleils, je leur demande, je peux vous prendre en photo ? Je ne me suis jamais cachée pour prendre mes photos. Ils me sourient, et leurs parents aussi, fiers, flattés, oui bien sûr. Oh merci. Je fais une photo, mon téléphone fera bien l’affaire. Je retourne près de ma fille et de mon grand voyage à moi. J’envoie une photo de Neyla et une photo de la famille du carré d’à côté à mon ami, dans le bonheur de vous voir et en voyage au Sri Lanka. Le train démarre, je me dis que la vie est belle parfois.

Nous arrivons à Monssoult-Mafflier, nous descendons du train avec tout le Sri Lanka parisien, je vois mon ami qui nous attends derrière les portillons, mon cœur sourit et mon visage aussi, de cette attente amicale, de ces couleurs qui nous entoure, je sais que lui les aime aussi, de ces tomates que je vais goûter, de ma fille invitée avec moi, officiellement la première fois, de tous ces voyages que j’ai fait, de tous ceux que je ferais, avec elle pourquoi pas, de tous ceux que je ne ferais pas, et de cet immense voyage qu’elle est pour moi. Oui, je suis bien entourée et la vie est belle parfois.

« La seule façon de traiter avec un monde non libre est de devenir si absolument libre que votre existence même est un acte de rébellion. »

Albert Camus